Se marier?

“Se marier ? S’engager à deux selon la loi ou la religion ? Non, merci! L’amour est plus grand que n’importe quel rite et ne supporte pas des règles qui l’enferment dans une cage. S’aimer c’est un droit ! “Qu’y a-t-il de plus beau et de plus libre que l’amour entre deux personnes”? m’a dit un jeune qui était venu chez moi avec sa fiancée. Un mois plus tard, ils sont allés vivre ensemble. Ils s’aiment beaucoup, bien sûr.
Mais si ensuite l’amour disparaît? C’est justement parce que l’amour est un sentiment qu’on ne peut pas mettre en cage, qu’il évolue, qu’on peut le perdre. C’est dans la nature des sentiments de changer et parfois de s’éteindre. Mais c’est aussi une bonne chose que les sentiments changent, ils sont ainsi toujours nouveaux. Quant à la fidélité, elle ajoute quelque chose au défi. Elle est bien plus qu’une émotion ou un sentiment : c’est un désir et un choix. Un vague sentiment de fidélité ne suffit pas pour grandir dans l’amour et rester fidèle. Mais l’amour, s’il est authentique, cherche toujours à s’améliorer. Il faut donc avoir confiance en lui. Il est toujours en recherche du mieux.
Une grande savante, Prix Nobel de médecine, disait que “l’être humain est le résultat d’une magnifique imperfection de la nature : raison et capacité de réfléchir, sentiments fragiles, instables et changeants. Une splendide capacité créatrice et une imparfaite cohérence dans les relations”.
“C’est vrai – m’a répondu un autre jeune qui aurait voulu se marier et ne savait pas se décider – mais mon problème est autre: je voudrais épouser mon amie et la rendre heureuse à jamais ; mais pour être honnête avec moi-même, je sais que j’en suis pas capable. Je l’aime trop et je ne veux pas la rendre malheureuse. En nous mariant et en se liant à des règles, je suis sûr que tôt ou tard nous aurions été déçus”.
Le jeune homme n’avait donc pas envie de risquer aujourd’hui, maintenant. Mais un amour sans confiance et espoir naît déjà vaincu, parce qu’il n’a pas le courage de vivre l’imprévisible aventure de se jeter dans les bras du pardon et de la renaissance.

Se marier peut devenir l’expérience la plus profondément humaine et spirituelle de toute une vie. C’est avoir le courage de déclarer pas seulement à son partenaire, mais à tout le monde, que l’on s’aime, et aussi se respecter dans la richesse de la diversité, rêver et bâtir ensemble un projet, croire que le plus grand amour, qui est Dieu, nous soutiendra toujours. Et ensuite, aimer la vie, avec les fils voulus ou donnés que nous accueillerons.
On ne peut pas faire une telle chose en un jour, il faut de l’engagement dans le dynamisme et l’imagination de l’amour.
Avec le temps, peut-être une certaine attirance passe, mais l’amour reste fort, invincible. Ce n’est pas difficile de le reconnaître si on a des yeux pour le voir : il y a des couples qui vivent ensemble depuis 30 ans et tu touches du doigt qu’ils sont amoureux comme au premier jour. Sont-ils des ingénus sentimentaux? C’est impossible après 30 ans. Ce qui les lie aujourd’hui n’a pas les mêmes motivations du passé mais, entretemps, ils ont élaboré ensemble de nouveaux motifs de s’aimer toujours plus. Cela est impossible sans que l’amour soit mis à l’épreuve. Mais l’amour ne se laisse pas vaincre si on lui permet de gagner.
Et Dieu qu’a-t-il à voir là-dedans? Il y a bien longtemps que je suis frappé par un petit et fantastique livre que la tradition a accueilli dans la Bible: le Cantique des Cantiques. C’est un ancien chant nuptial qui m’impressionne non seulement par la beauté de sa poésie et la profondeur des sentiments qu’il exprime, mais aussi parce que le mot “Dieu” y est cité une seule fois à la fin du livre. C’est comme si l’Histoire Sainte voudrait affirmer que Dieu a quelque chose à voir avec l’amour des époux, parce que le texte soutient que leur amour est “flamme de Jah”, c’est- à-dire flamme de JHWH (le nom de Dieu qu’on ne peut pas prononcer), lumière et chaleur de Dieu, amour divin.
Se marier en prenant un engagement religieux, c’est une petite chose donc, par rapport à l’aventure divine de l’amour. Il faut du courage et beaucoup de travail, mais c’est le minimum pour un défi qui a une perspective si belle et si grande.
Et à ceux qui, malgré tout, échouent dans leurs rêves, qu’est-ce qui reste ? L’amour. Il vit toujours, selon Celui qui est mort aprés avoir crié: “mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ?” (Marc, 15:34). Mais Dieu l’a ressuscité le troisième jour.

Bruno Catamessa

Spread the love