De nos jours, les bases de notre culture orientale chancellent. Les institutions les plus fondamentales sont remises en question. Le mariage, la vie religieuse, le sacerdoce, l’Eglise font problème. Face à la diversité des propos avancés, on n’aperçoit guère de
solution. Nos contemporains se découragent. Ils se demandent avec angoisse s’ils doivent rester fidèles à des modes de vie ancestraux, le coût de cette fidélité se payant parfois par le sacrifice de l’épanouissement personnel. Celui qui veut rester fidèle aux
traditions se sent déraciné, étranger, perdu au milieu de formes de vies déconcertantes.
Cette situation nous invite à repenser certaines questions telles que : Qu’est-ce qu’être fidèle aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’une promesse ? Qu’est-ce qu’un engagement ? Le but de cette page est d’éclairer ces problèmes. Elles n’apporteront aucune réponse à
des questions brûlantes comme : Quelqu’un peut-il divorcer ? Peut-on rompre un engagement ?
En effet, qu’il n’y a pas de solutions générales ni toutes faites à ces questions. L’analyse qui suit se situe principalement à un niveau psychologique et philosophique.
L’homme qui sort de son isolement pour rencontrer l’autre commence l’aventure de l’amour. Or cette aventure risque de le mener beaucoup plus loin qu’il ne croyait au premier moment. Après l’enthousiasme des premières rencontres (que ce soit l’ivresse amoureuse, l’engagement vis-à-vis d’une personne ou pour une cause) il s’agit désormais de se comporter en responsable vis-à-vis des autres et de ce que l’on aura créé. Nos actes nous suivent, nous changent et modifient la réalité vécue. Comme le
déploiement de l’amour dans le temps implique pour l’homme une continuité de
croissance, l’amour adulte fait appel à la vertu de fidélité. Rechercher le sens de la fidélité demande à l’homme de se situer par rapport à tout le cheminement de sa vie. Avant d’approfondir ce point, examinons ce que sont une promesse et un engagement.
Promesse et engagement se distinguent en ce sens, que la promesse est l’expression publique d’un engagement, ce dernier se situant davantage au niveau de la psychologie individuelle. Pourtant, même lorsqu’il n’est qu’intérieur, l’engagement se situe toujours en face d’un autre, cet autre fut- il intériorisé ; songeons par exemple au ‘’Sur- moi’’. Si bien qu’à la limite, on peut dire que les deux structures se rejoignent. Ceci dit, nous affirmons que la promesse est part essentielle de l’existence ; c’est une action par laquelle l’homme annonce son projet de vie, dit ce qu’il fera, même s’il sait que la réalisation de ce projet ne concordera jamais exactement avec ce qu’il avait imaginé. La liberté de l’homme et sa vocation impliquent qu’à un moment donné, et malgré l’ignorance de l’avenir, il considère sa vie et affirme : voici ce que j’en veux faire. Si l’homme en effet, attendait de voir parfaitement clair avant de se décider et d’engager sa vie, il ne ferait jamais rien. L’engagement se prend à la suite d’un discernement toujours incomplet. Celui-ci porte sur ce que l’on est, la situation dans laquelle on est inséré, les aspirations ressenties et ce que l’on espère pouvoir réaliser compte tenu des besoins, des invitations et des appels de la situation elle-même. Ce discernement n’est toutefois jamais fait une fois pour toutes ; il est constamment à refaire en fonction des situations et des contraintes nouvelles. Dans ce sens, on dira que des époux ont à se rechoisir tous les jours ou, du moins, à l’occasion de chaque grande crise. L’engagement est une prise de position personnelle et responsable par rapport à tout cela, un pas vers l’avenir. De plus, celui qui accepte de rendre public son projet de vie, son engagement, accepte par le fait même, une responsabilité sociale qui le situe différemment. C’est le sens de la promesse et le niveau auquel elle se place.
Un engagement n’exprime donc pas tant une assurance qu’une espérance, et une volonté de réaliser quelque chose malgré les difficultés et les crises inévitables que connaîtra la réalisation du projet. S’engager, ce n’est donc pas signer un contrat, s’assurer ou prendre une caution contre l’avenir… c’est plutôt se lancer dans une entreprise qui dépasse toute prévision. Ainsi, dans le mariage, les conjoints expriment leur engagement, inconditionné aujourd’hui, de faire croître leur union et leur amour à travers toutes les difficultés et toutes les crises qui, nécessairement, surgiront. Face aux tensions de la vie et parfois aux fautes des personnes, il viendra un jour où la réalisation s’avèrera pénible. L’engagement conjugal affirme que l’on est aujourd’hui, bien décidé à chercher, au moment de l’épreuve, la manière de faire croître cet amour. Par la promesse on prévoit l’heure de la difficulté et l’on s’engage à y trouver, si possible, une solution. On s’interdit par-là l’issue facile qui consisterait à abandonner le projet au moment de l’épreuve. Sans cette volonté de surmonter les difficultés, tout amour, tout projet humain arriverait vite à bout de souffle.
L’engagement, qu’il soit explicite ou implicite, fait ainsi de l’homme quelqu’un ‘’sur qui l’on peut compter’’. Aussi est-il essentiel à la vie sociale : Sans promesse, il deviendrait impossible de se fier aux personnes et la vie s’enfermerait finalement dans un isolement presque total. Toute vie sociale est basée sur des promesses explicites ou implicites qui permettent l’établissement des relations solides malgré l’inconnu de l’avenir.
Joseph Yacoub