Peur de l’avenir?

« … Et le pire désastre est à venir : les prodigieuses capacités de la science annoncent la prolongation de la vie humaine et la robotisation généralisée, programmant là à la fois une arriération des rapports humains et un état de barbarie inédit. Voilà le suprême défi pour l’humanité. » C’est la phrase finale de l’interview d’Edgar Morin que j’avais publiée au début du mois dans notre rubrique : « Des mots pour de bon. »
Apparemment cette phrase a un peu choqué une de nos lectrices qui réagit en disant : « J’ai beaucoup aimé cet article que je n’ai eu le temps de lire que maintenant …. Mais sa toute dernière phrase est ce qui m’effraie le plus et à ce quoi je pense souvent : le futur de nos enfants et petits-enfants. Ce défi de l’humanité ! »
A vrai dire je n’aime pas beaucoup, moi non plus, cette dernière phrase. Mais lorsqu’on cite quelqu’un, on doit bien citer toute sa pensée, au moins par respect et par objectivité. Ce qui me plaît chez Edgar Morin, c’est qu’il nous pousse à réfléchir, à ne pas rester superficiels ou les bras croisés devant les défis de notre monde actuel.
Mais de là à nous laisser envahir par la peur du lendemain, je crois que ce serait malsain. Entendons-nous : la peur a aussi des aspects positifs, elle nous pousse parfois à être plus prudents, à ne pas faire n’importe quoi, à mieux nous organiser. Mais est-il nécessaire d’avoir peur pour savoir s’organiser ou créer du positif pour notre société ?
Toute l’histoire de l’humanité est faite de peur du lendemain. Au Moyen Age nos ancêtres ont cru un moment que la peste allait faire mourir tout le monde et qu’il n’y aurait bientôt plus d’habitants vivants sur cette terre. Il n’y a pas si longtemps beaucoup d’occidentaux étaient persuadés qu’une guerre atomique allait éclater entre l’Union Soviétique et les Etats-Unis et alors, pauvres de nous ! Et pourtant l’humanité est toujours là, elle a ses problèmes bien sûr, ses gros problèmes, mais en même temps elle est pleine de ressources et n’arrête pas de se lancer dans des projets toujours plus grandioses, comme les Jeux Olympiques du mois d’août au Brésil…
Je crois donc que la sagesse nous demande une chose : utiliser cette peur du lendemain, peur de catastrophes, peur de la surpopulation, peur de maladies incontrôlables ou peur de nouvelles guerres, pour mieux se préparer, pour harmoniser toujours plus les relations entre les peuples et avec la nature qui nous entoure : tout cela ne peut être que positif. Mais de là à gâcher notre vie d’aujourd’hui parce que dans 20 ans, dans 50 ans, dans 100 ans l’humanité sera bloquée, ce serait là une forme de maladie-panique qui ne peut nous faire que du mal. Cela nous empêcherait de goûter à tout ce qu’il y a de beau encore et pour longtemps sur cette terre etsurtout dans le cœur des hommes. Car l’homme est un petit miracle ou un grand miracle dont on ne saisit malheureusement que bien peu encore toute la valeur, occupés que nous sommes à nous plaindre de nos petits ou grands malheurs. Ne voyons-nous pas quelle chance nous avons de vivre cette aventure sur terre ? Est-ce que vraiment nous préférerions n’avoir jamais existé ?

Je ne peux pas me mettre à la place des autres. Chacun est libre de penser ou de sentir ce qu’il veut, mais moi cela fait longtemps que j’ai décidé de faire de ma vie une réalité positive et optimiste,certainement pas pour juger ceux qui se plaignent comme je le faisais peut-être moi-même autrefois, mais pour me battre afin que cette lumière qui brille au fond de chaque homme ne reste pas cachée comme elle est le plus souvent derrière les rideaux de nos problèmes, de nos peurs ou de nos angoisses.

Roland Poupon

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