Liban mon amour
Je suis italien, seulement parce que je suis né de parents italiens. Après, j’ai vécu comme un italien et j’ai aussi aimé mon pays, mais je n’ai jamais compris les italiens qui n’aiment pas le parmesan chinois ou la pizza ou le caviar qu’on mange à Moscou. Moi, par exemple, j’aime ce qu’on appelle “café allemand”, c’est une bonne boisson chaude. Ce n’est pas un café napolitain, bien sûr. Quand je veux un café napolitain, je vais à Naples ou chez quelques napolitains … Donc je suis italien, d’accord. Je suis européen, d’accord. Mais j’aime à la folie les différences, les cultures, l’histoire des gens et des peuples, le génie des hommes et des femmes.
Donc, après avoir vécu plus de 60 ans en Italie, et même si je n’ai quitté le pays que quelques fois, j’ai connu beaucoup de gens de toute sorte et de tout pays. J’ai la sensation que je ne suis plus complètement italien. J’aime trop les différences, même quand elles sont très difficiles à digérer. À certains égards, c’est logique : on ne peut pas s’aimer si on n’aime pas les autres. Et les autres sont toujours différents, sinon ils ne seraient pas vraiment “autres”.
En plus, j’ai rencontré un jour un homme spécial. Un homme humain et aussi divin, qui s’appelle Jésus-Christ. Je suis devenu son ami et il est devenu mon ami. Cet homme je l’ai découvert dans sa divinité et son humanité. Son humanité est celle d’un homme du Moyen-Orient, et ce qu’on connaît de sa divinité vient de l’expérience des Anciens du Moyen-Orient. Pas seulement d’une tradition, mais d’une tradition qui s’était déjà mêlée tout au long de l’histoire aux mentalités de plusieurs peuples du Moyen-Orient : de l’Égypte jusqu’à la Perse, de l’Anatolie à l’Arabie en passant par la Phénicie.
À partir de cette impression, j’ai aimé le Moyen-Orient avant d’y aller. Et puisque j’apprécie particulièrement l’intelligence et le génie, j’aime depuis longtemps les phéniciens, pas seulement eux, mais eux en particulier.
En 2014 j’ai pris ma retraite. Par un choix religieux mûri tout au long d’une quarantaine d’années, j’ai cherché la possibilité de quitter mon pays et d’aller vivre ailleurs. Un ami du Liban, auquel j’avais confié mon désir, m’a dit: “Il y a une possibilité pour toi de vivre à Beyrouth, si tu veux…”. Et voilà, depuis le mois de mai 2015 je vis dans une communauté des Focolari à Beyrouth.
Curieux comme toujours, je suis parti à la découverte de ce nouveau monde. Un monde qui s’est révélé bien vite très différent et très proche en même temps. Un bon défi.
Découvertes et questions, surprises, eureka et, bien sûr, quelques déceptions se sont succédé pendant ces deux années. Mais je suis toujours en recherche, qui pour moi est une victoire.
Maintenant je vois les problèmes forts du Moyen-Orient (guerres, jihadisme, politique, etc.) d’une autre manière, plus dramatique et moins uniforme, et les finesses de chaque jour trempées de merveilleuses ironies. J’apprécie surtout le sens propre de la rhétorique qu’on perçoit dans les relations, aussi lorsqu’elles dégénèrent un peu en direction d’une arrogance bien polie ou d’un dévouement sans limites.
Les autres grands chapitres de mes découvertes sont : la langue arabe et l’incroyable pluralisme religieux et des visions de vie. Par rapport à la langue, je suis en admiration devant sa souplesse et son ouverture. Sur le pluralisme des fois religieuses et des visions de vie, je peux dire que sans doute je suis en train de comprendre quelle richesse cela peut apporter à la cohabitation et en même temps quel obstacle insurmontable cela devient pour la citoyenneté quand on reste enfermé entre les murs d’une ignorance non choisie.
Merci donc au Liban, mon amour, et à tout le Moyen-Orient qui m’a révélé quelque chose de nouveau sur l’amour et la douleur, feuilles et racines.
Bruno Cantamessa
  
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