Le paradoxe de l’être d’Amour

Saint Paul, dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe, écrit que Jésus crucifié est « puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1,24). C’est surprenant puisque apparemment le Crucifié est comble de faiblesse et d’absence de lumière. Comment Paul peut-il alors voir en lui justement la force et l’intelligence de Dieu ? C’est l’un des paradoxes de la foi et de la vie chrétienne : on vit en mourant, on grandit en diminuant, on monte en descendant, on reçoit en donnant, on trouve en perdant, on vainc en échouant. C’est quand Jésus semble moins que jamais Dieu, que Lui est – si l’on peut dire – plus que jamais Dieu, Amour, l’Amour.
En fait, c’est dans la petitesse que nous pouvons voir sa grandeur et l’immensité de son amour pour nous. C’est dans son abaissement et dans sa descente parmi nous que nous voyons la profondeur de sa compassion pour nous et la détermination de sa volonté à nous emmener là où il est. (C’est en se faisant ignorant, c’est dans son questionnement, son « pourquoi ? » que nous voyons sa sagesse et sa lumière qui illuminent nos ténèbres. C’est quand il se fait faiblesse, pauvreté, échec que nous voyons combien est forte, riche et victorieuse sa façon d’agir et de se comporter. C’est en se faisant « malédiction pour nous » et en se laissant traiter de « péché » en notre faveur, que nous voyons la pureté de son assimilation avec nous et que nous recevons l’abondance de sa grâce qui enlève en nous toute souillure.)
Jésus crucifié et abandonné est l’image la plus parfaite de Dieu sur terre. C’est justement quand il ne semble même plus un homme, mais qu’il est réduit à un « ver » qu’il nous révèle véritablement et pleinement ce que veut dire « Dieu en chair » : un nul d’Amour, et c’est en se faisant nul, en étant réduit à rien jusqu’à en devenir seulement Plaie – son cri d’abandon – qu’il permet à celui qui a les yeux purs de voir sa divinité. C’est en fait dans son cri que Dieu se révèle vraiment et qu’il fait resplendir comme jamais l’immensité et l’infinité de son être d’Amour et de l’Amour du Père pour chacun de nous. Ainsi nous dévoile-t-il le vrai visage de Dieu et démonte-t-il toutes nos représentations humaines qui tendent toujours à faire de Dieu une image qui soit à la ressemblance de nos fantasmes et de nos désirs-délires d’omnipotence.

« Jésus crucifié nous dévoile le paradoxe de la foi et de la vie chrétienne : on vit en mourant, on grandit en diminuant, on monte en descendant, on reçoit en donnant, on trouve en perdant, on vainc en échouant. C’est quand Jésus semble moins que jamais « Dieu » que Lui est – si l’on peut dire – plus que jamais « Dieu, Amour, l’Amour ».
La divinité de Jésus ne doit donc pas être cherchée en dehors de son humanité. C’est effectivement dans sa façon d’être homme que nous pouvons déceler les traces de sa nature divine qui est toute et seulement amour, l’Amour. Bien plus, il faut dire que Lui est « l’Homme », l’homme comme Dieu l’a toujours pensé – justement parce qu’il est Dieu – l’Amour dont chaque homme est une image. Au même moment, c’est dans son incarnation, dans son abaissement et dans son dépouillement de soi jusqu’à l’abandon du Père, qu’il nous manifeste vraiment qui est Dieu, ce que veut dire être Dieu, ce qu’est l’essence de Dieu et ce qu’est donc l’Amour.
Il n’y a dès lors en Jésus aucune opposition entre l’humain et le divin, on pourrait même dire qu’il est d’autant plus Dieu qu’il est homme, si l’on peut dire, et en même temps il est d’autant plus homme qu’il est Dieu, Amour ; en lui, l’humain et le divin sont une seule chose, tout en étant et en restant distincts. C’est justement parce qu’il soumet toujours son humanité à la volonté du Père, répondant pleinement aux impulsions que l’Esprit Saint lui donne abondamment, et continuellement qu’il est et devient toujours plus dans son humanité, à mesure qu’il grandit, la transparence du Père : le Fils.

Michel Vandeleene

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