Le dialogue, devoir éthique ou besoin intrinsèque ?

C’était le titre d’une table ronde qui s’est déroulée à l’Usek, le mardi 14 Mai, sur invitation du Département de philosophie et modérée par madame Jeanine Jalkh, journaliste à L’Orient-Le Jour, qui, avec un souci constant de ne pas trop s’éloigner de la contingence libanaise, a pour autant laissé que les intervenants puissent donner compte des bases de tout dialogue. Devant presque 200 personnes, dans une salle chargée d’intérêt et d’attentes, les participants ont cherché à donner leur vision du dialogue, dans un pays comme le Liban, où cohabitent au moins 18 communautés à fondement religieux. L’occasion a été la présence au Liban de la présidence du Mouvement des Focolari, qui cette année fête son 50e anniversaire dans la Terre des Cèdres. En particulier, le co-président du Mouvement, Jesús Morán, philosophe espagnol, a pu présenter les bases philosophiques et théologiques du dialogue des Focolari, une des marques de distinction de cette communauté.
« La réponse à la question de savoir si le dialogue est un besoin intrinsèque ou un devoir éthique, est en elle-même porteuse de questions en questions qui cherchent à rendre manifeste la vérité de l’être du dialogue : quelle est donc sa dimension ontologique ? Pour subvenir à ses besoins qu’il ne peut jamais satisfaire seul, l’homme a impérativement recours à la communication avec autrui. Dans ce sens, la communication est un besoin intrinsèque, inéluctable. Mais communiquer n’est pas toujours dialoguer. Dans quelle mesure alors le dialogue est, par essence, un appel au devoir éthique et à ses obligations ?». C’est ainsi que madame professeur Marie Fayad, chef du Département de Philosophie et directrice du Laboratoire Sophia à l’Usek a voulu expliquer synthétiquement le titre de la table ronde.
Parmi les autres intervenants à la table ronde, Naji Karam, ancien directeur du département d’archéologie à l’Université Libanaise, a pu montrer les racines de l’esprit dialogique qui a existé dans cette terre maritime vieille de sept millénaire : « Le Liban restera un pont entre les trois continents et, par conséquent un vaste champ de rencontre et un haut lieu de dialogue ; la convergence des courants culturels, si elle est mal gérée ou mal assimilée, peut rompre provisoirement le dialogue et favoriser la confrontation ; par contre, si l’assimilation des nouveaux éléments étrangers se fait sans heurt, si le dialogue se déroule dans de bonnes conditions, le pays retrouve son âme et le Liban redevient le Liban ».
Très applaudie l’intervention du professeur Antoine Messarra, titulaire d’une chaire Unesco e membre du Conseil constitutionnel. Dans un discours jonché de surprises et de citations savantes, il a présenté son idée de la gestion démocratique du pluralisme religieux et culturel au Liban, thème qu’il a traité très profondément dans ses derniers ouvrages, en soulignant que « le Liban doit tenir compte qu’il ne suffit pas de baser la vie sur des valeurs communes, mais sur la hiérarchie des valeurs et sur une mémoire de dialogue qui doit être préservée, pour redonner confiance à l’ensemble du tissu social ».
Enfin, Jesús Morán, co-président du Mouvement des Focolari, a pu présenter les bases dialogiques du charisme de l’unité proposé par Chiara Lubich : « Le dialogue doit être approfondi dans toutes ses dimensions ; du point de vue ontologique, c’est une nécessité intrinsèque à l’homme et il représente, par conséquent, un inexorable devoir éthique. Cet approfondissement doit partir d’une promesse fondamentale : redécouvrir que le dialogue est tellement enraciné dans la nature humaine, que dans toutes les cultures, il existe des sources du dialogue ». Et il a rajouté : « Dans le risque du dialogue, il y a tout de nous et tout de l’autre dans l’espace transcendant de l’Esprit qui nous unit. Et par conséquent, il y a toute l’humanité. En ce sens, chaque dialogue est un véritable kairòs humano-divin. Celui même qui dialogue fait l’histoire » ”.

Michele Zanzucchi

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