Ces temps-ci le Moyen-Orient est en ébullition. De partout les trompettes de guerre résonnent et sonnent le clairon. Les cliquetis des armes sont accompagnés par le rugissement des obus. Et des voix s’élèvent de plus en plus haut, s’accusant mutuellement de fabriquer des fusées à longue portées, mettant en danger les villes et les contrées.
Les religions, berceaux de paix, deviennent tambours de guerre et causes de souffrances, pour des millions de personnes.
Le monde semble être devenu fou. Je m’imagine parfois survolant la terre, et observant ce qui s’y passe. C’est à en avoir le vertige.
Les hommes courent et s’agitent dans tous les sens, se cachant dans les abris ou courant sur les routes, vieux, femmes, enfants, qui avec ses valises et qui avec sa famille, courant vers la mer pour embarquer sur les radeaux de la mort, ou marchant, soit l’été sous un soleil ardent, soit l’hiver dans le froid et la neige, fuyant un milieu devenu hostile et dangereux.
Notre beau Liban lui n’y a pas échappé. Sauf que sur ses routes, ce n’est pas son propre peuple qui fuit, mais plutôt ses voisins. Ils sont si nombreux qu’ils brouillent le paysage, comme des nuages errants.
Mais ces nuages ont froid, ont faim, ont sommeil, et manquent de tout. Ils sont là et on n’y peut plus rien, il faut faire avec.
Et comment donner ce qu’on ne possède plus. Les libanais souffrent d’un fort taux de chômage. Alors quoi partager? Et avec combien de personnes?
Quand on regarde vers l’horizon, on voit défiler les vendeurs d’armes sans foi ni loi, cupides, impitoyables, ne tenant compte que de leurs intérêts, sourds aux cris de peuples entiers demandant pitié.
On y voit aussi des êtres durs comme l’airain, obsédés par leur rêve de dominer le monde, menés par un sentiment de supériorité, ignorant avec superbe les réactions de refus et de rejet qu’ils suscitent autour d’eux.
C’est alors le moment de s’arrêter et de réfléchir. Où tout cela peut-il mener?
Alors on se sent impuissants, envahis par la peur et l’angoisse: quels lendemains? Comment protéger les siens? Comment assurer leur survie? Comment leur préparer un avenir acceptable?
Au Liban on avait commencé à réaliser un beau rêve. Un rêve où l’on commençait à édifier un nouveau pays, doté d’un état fort, à l’écoute et au service des citoyens.
Dans ce Liban, les carillons et les chants des minarets se croisent souvent, allant parfois jusqu’à se gronder. Ils ne jouent pas toujours la même symphonie. Il arrive même que les uns haussent le ton plus que les autres, créant une vraie cacophonie. N’empêche que tous apprécient ce voisinage, et ne voudraient pas s’en passer.
Et voilà qu’une grosse tuile s’abat sur le pays, cherchant à détruire cette belle entente qui dérange.
Mais comme par une baguette magique, le chef d’orchestre réussit par sa maîtrise à mener le jeu sereinement, sans hâte et sagement. Et par pur miracle, comme par enchantement, tous et chacun prennent leur responsabilité au sérieux, refusant d’être asservis et bafoués. Et tous d’un commun accord, se serrant les coudes, avancent fièrement, sans aucune fausse note…ou presque…
Les nouvelles qui nous assaillent de partout devraient nous abattre et nous laisser désemparés.
En fait elles réussissent à nous rendre plus sensibles aux messages de paix et d’espérance.
Au-delà de tout, il y a une force solide, aimante, miséricordieuse, qui veille sur nous patiemment.
Et résonne en nous la phrase: ne craignez rien, J’ai vaincu le monde! Moi j’y crois fermement. Les hommes même s’ils m’effrayent parfois, ne m’enlèvent pas cette conviction. Pour moi ce qui guide ma vie c’est la volonté de Dieu, et je sais qu’elle est Amour. Il arrive souvent que je ne la comprenne pas au moment même, mais j’ai appris que je la découvrirais un jour…plus tard…
Dans un entretien télévisé, un moine ermite disait: “je n’ai pas peur pour le Liban. Il va se relever bientôt. Dans le monde il y a beaucoup d’autels faits du bois de nos cèdres. Le Liban est une terre de sainteté, et c’est la terre de Dieu. Son nom est cité soixante treize fois dans la Bible”.
Il nous est demandé de chercher le bien de l’autre autant que le nôtre, d’aimer le pays de l’autre autant que le nôtre, et les portes de l’enfer ne pourront rien contre nous.
Maha Farah