Education religieuse pour la nouvelle génération 

Que faire après la Déclaration d’Al-Azhar sur « La citoyenneté et le vivre ensemble » (1/3/2017) et la Déclaration d’Abu Dhabi sur « La fraternité humaine, le vivre-ensemble et la paix dans le monde » (4/2/2019) ?

Dans cette perspective, un séminaire a été organisé à l’Université Saint-Joseph (USJ) à Beyrouth (24/10/2020) par Gladic (Association d’amitié et de dialogue islamo-chrétien), sur le sujet : « Que faire en éducation religieuse pour la nouvelle génération ? », avec la participation de plus de trente auteurs, enseignants et directeurs d’établissements scolaires chrétiens et musulmans.

Le professeur Antoine Messarra nous présente, dans cet article, la synthèse de ce séminaire en signalant quelques observations durant le débat dont nous n’avons retenu que quelques-unes, et il termine avec des propositions d’action.

A – Voici quelques observations concernant la situation de l’enseignement religieux :

« C’est l’application qui importe. Il est possible de présenter l’ensemble des valeurs religieuses avec une méthodologie descriptive. La connaissance mutuelle est indispensable » (Nada Hassan Amine).

« Les efforts sont nombreux et louables, mais le radicalisme et le fanatisme s’étendent auprès d’une génération nouvelle » (Kasem Kassir).

« Je propose l’organisation de rencontres dans d’autres institutions islamiques en vue de l’harmonisation, et que ces institutions nous convient pour des évaluations partagées et pour la proclamation d’une déclaration commune sur l’éducation religieuse. Je ne voudrais pas seulement appréhender ce qui est commun et partagé, mais inculturer la différence, non en tant que complément, mais pour m’enrichir » (père Dominique Labaki).

« Les visites communes entre écoles sont utiles. Des élèves sentent, quand ils vont dans une autre région, qu’ils se trouvent dans un autre pays ! » (Muhammad Tarkhini).

« J’ai pratiqué l’enseignement au Koweït et au Liban. J’ai trouvé que les élèves sont les mêmes par rapport à l’éducation religieuse ! J’en conclus que nous enseignons la religion, mais nous n’avons pas vraiment éduqué à la foi » (Muhammad al-Amin).

« Si nous nous proposons la transmission des valeurs humaines depuis le jeune âge, il faudra produire pour cela un matériel pédagogique » (Kassem Janane).

« Éduquer au pluralisme de manière à induire des comportements qui se répercutent auprès des parents des élèves et la société » (Maria Hitti).

B – Cinq perspectives d’action ont été retenues :

1. Éducation religieuse : Le sujet du séminaire et des rencontres ultérieures porte sur l’éducation et non l’enseignement religieux et la culture religieuse en général, et donc dans la perspective socratique de questionnement, d’interaction, de connaissance et de conviction intime .

2. La foi « convergente » : Les notions de « citoyenneté », « vivre-ensemble », « fraternité humaine », « paix mondiale » …, qui, émanant des plus hautes instances musulmanes et chrétiennes dans les deux Déclarations d’Al-Azhar et d’Abu Dhabi, ne peuvent s’accommoder, en ce début du XXIe siècle, avec un savoir livresque programmé et un dogmatisme clos plus idéologique que véritablement religieux. Un tel enseignement dans le monde d’aujourd’hui débouche au fanatisme qui est exploité par des marchands du temple dans la mobilisation politique et pour des buts sans rapport avec aucune religion et foi. Revenir au tafakkur (penser et reprendre sa pensée), suivant le Coran, et au dialogue de Jésus avec la Samaritaine constitue la méthode authentique du cheminement spirituel et en conformité avec l’affirmation de Teilhard de Chardin : « Tout ce qui s’élève converge ».

3. Méthode critique : La méthode critique est nécessaire pour l’évaluation des manuels d’éducation religieuse.

4. Les notions de citoyenneté, vivre-ensemble, fraternité et paix mondiale : Quand toutes les références dans l’éducation religieuse se limitent à la religion concernée dans le manuel, sans référence au fait religieux dans une perspective anthropologique, et sans aucune indication de faits, exemples, données et témoignages d’autres auteurs et témoins, cela témoigne d’une monopolisation du savoir et de la vérité et d’un déni de valeurs humaines universelles et, en conséquence, cloisonnement dans une religion identitaire, ce qui contredit la finalité universelle de la religion.

5. L’interaction avec d’autres instances : La culture religieuse, indispensable pour toute culture et pour toute personne, va au-delà de « l’enseignement religieux » et de « l’éducation religieuse ». La culture religieuse résulte des divers véhicules du savoir, dont la philosophie, l’histoire, la littérature… Le patrimoine culturel arabe, tel qu’il est transmis par l’école aux nouvelles générations, exige une relecture pour en dégager les valeurs humaines : liberté de conscience, fraternité humaine, dignité humaine ou le propre de l’homme…

ANTOINE NASRI MESSARRA

  Titulaire de la Chaire Unesco d’étude comparée des religions de la médiation et du dialogue
       Université Saint-Joseph
 Ancien membre du Conseil constitutionnel, 2009-2019
  Professeur

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