A l’école de la pandémie : Leçons diverses et variées
Échecs et victoires
Nous vivons, depuis janvier 2020, une période où l’on « … reste très proche d’un temps de guerre,… nous n’avons plus de prise sur notre temps intime, et où le rapport entre le dedans et le dehors s’effondre. » déclare, l’historien, Patrick Boucheron .Chacun de nous peut témoigner de son vécu durant ce temps de confinement et de crise en évoquant plusieurs états d’âme : la peur, prendre son temps pour rechercher l’essentiel, le sens de sa vie, , remplir son temps avec créativité…, l’épreuve de la maladie, de la mort, du manque, de la pauvreté, de la perte des revenus et de l’emploi…, chacun de nous en faisant le récit de cette expérience, nous fera ressentir son combat, sa victoire, sa vulnérabilité, son humanité déployée durant ce temps de crise.Par ailleurs, chaque gouvernement, en établissant sa politique sanitaire pour sauver sa population, expose toutes les mesures nécessaires pour y arriver. La liste est longue et ses effets aussi, tant sur le plan personnel, économique, social, médical, sur le monde du travail, de l’environnement sans oublier le niveau national et international.Si la tâche des gouvernements est de prévoir et exécuter, celle des spécialistes comme les sociologues, les philosophes, les économistes des écrivains, elle est instructive. Elle cherche à nous faire comprendre cette situation qui nous dépasse, qui nous surprend et par-dessus tout nous tue. Leurs idées et propositions sont des lignes de conduite, presque comme salutaires, pour les citoyens comme pour les responsables politiques qui visent à transformer notre monde en un monde meilleur pour l’homme et la planète.

Nous allons justement tenter de faire un petit tour, à travers leurs écrits à travers articles de journaux, revues, livres, entretiens, rapports, et essayer de dégager quelques leçons qui serviront, peut-être, comme une lumière, la lumière du savoir, pour contrer cette épidémie et être armés à la prochaine crise.

La dignité humaine et la protection
Déjà des dizaines de millions de personnes ont été touchées par la pauvreté parce qu’elles ont été privées de leur travail et de leurs revenus. Dans la Région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord, (MENA) 18 millions d’individus doivent vivre de 5,50 dollars par jour, selon un rapport de la Banque Mondiale.

Esther Duflo, lauréate du prix Nobel en sciences économiques 2019, place la dignité humaine comme le facteur le plus important au cœur des enjeux économiques, et incite les gouvernements des pays en développement à choisir un système de protection sociale qui doit être accessible à tous. Un système où les investissements devront tenir compte des domaines de l’éducation, de l’emploi et de la santé.

Esther Duflo, propose un revenu universel « ultrabasique » permettant au moins aux gens de se nourrir et de se loger. « Il faut cesser de se méfier des pauvres et d’avoir peur de les rendre paresseux », aime-t-elle dire.

Pays riches et pays pauvres ont une « communauté de destin » où les premiers ne peuvent pas espérer être à l’abri de nouveaux variant tant que les seconds n’auront pas aussi été vaccinés, affirme-t-elle. Gagner la bataille de la vaccination est un défi majeur pour les pays en voie de développement. Pour la gagner, le combat est culturel, sociétal, économique et politique.

Cette situation d’interdépendance révèle que les liens n’existaient pas. Avant la pandémie, le capitalisme et la mondialisation, au lieu de provoquer des liens, ont conduit à des ruptures. Peut-être, « c’est l’occasion de lancer une économie verte, durable, circulaire et communautaire». propose Joshtrom Isaac Kureethadam, coordinnateur du secteur de l’Écologie au Vatican. Une économie verte avec des procédés moins polluants ou moins consommateurs d’énergie, et les éco-activités, dont la finalité est la protection de l’environnement ou la gestion des ressources naturelles. L’économie circulaire avec une absence de gaspillage et une augmentation de l’intensité de l’utilisation des ressources tout en diminuant les impacts environnementaux.

La lutte contre le virus passe par l’accès et le partage des données
Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, l’accès à certaines informations a été essentiel à la lutte contre la maladie. Nombre de cas par pays, évolution du nombre de décès, lits disponibles dans une région, flux de voyageurs, données scientifiques : la mise à disposition publique de ces données est rapidement devenu un pilier dans la lutte contre le virus.

L’importance du numérique dans notre quotidien
Ce temps de confinement nous a appris à travailler de chez nous, à prendre des rendez-vous médicaux en ligne, à collaborer lors de visioconférences, à passer des moments virtuels ensemble, y compris à parler à mamie sur Zoom.

Les cours universitaires et scolaires en ligne : un succès à demi-teinte
Le monde de l’éducation, a subi un double choc inédit, celui de la fermeture prolongée des écoles combinée à ce ralentissement économique, la crise a stimulé l’innovation dans ce monde. Nous avons vu naître des initiatives, qui ont permis la poursuite d’activités d’enseignement et de formation – à la radio, à la télévision ou sous la forme de kits pédagogiques pour la maison. Des formules d’enseignement à distance ont été élaborées.
Mais là aussi, tout ne roule pas aussi parfaitement ; l’accès à internet, avoir un ordinateur n’est pas chose facile dans les régions défavorisées. L’inégalité des chances est aussi présente comme sur le plan économique.

L’autre et le nous
« Nous assistons à une formidable révolution. C’est la question de la conscience de l’autre, du don, dont Mauss a montré l’aspect essentiel dans la relation humaine. C’est le « nous sommes » de Camus : « j’ai besoin des autres qui ont besoin de moi », écrit-il dans L’Homme révolté. Les applaudissement des soignants, des caissiers, l’aide à ses voisins les plus vulnérables, en sont une preuve tangible. Un mot surgit spontanément, qui résume mon vœu : humilité, dit Serge Guérin, le sociologue, lors d’un entretien.

La solidarité, la responsabilité civique et l’unité du genre humain
Cette conscience de l’autre va « nous pousser à réfléchir sur comment mieux se comprendre avec autrui (ses enfants, sa famille, …) avertit Edgar Morin. « Nous devons reconnaître que l’incertitude va accompagner nos vies. La vie est une aventure dans l’incertitude. »
Anne Muxel, auteur du livre « L’Autre à distance », répond lors d’un entretien que : « la pandémie a rappelé la nécessité d’une conscience civique et de la responsabilité des citoyens pour faire face collectivement aux attaques du virus. Elle a placé les individus dans la réalité de leur appartenance à un ensemble plus vaste que le seul cadre de leur vie personnelle, et les a obligés à se déporter au-delà du seul périmètre national en prenant conscience du péril encouru à l’échelle planétaire. »

« C’est le triomphe presque instantané de l’unité du genre humain sur les stériles divisions identitaires » que nous découvrons dans le livre de Bruno Latour.

Le pape François, dans son message pour la célébration de la LIVE JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX, le 1 janvier 2021, réitère : que tous les évènements de l’année 2020, nous enseignent « qu’il est important de prendre soin les uns des autres et de la création pour construire une société fondée sur des relations de fraternité. » « tous fragiles et désorientés, mais en même temps tous importants et nécessaires, tous appelés à ramer ensemble », parce que « personne ne se sauve tout seul » et aucun État national isolé ne peut assurer le bien commun de sa propre population.

C’est justement ce que José Manuel Barroso, Ancien président de la Commission européenne, formule en disant que « la collaboration internationale, le multilatéralisme stratégique et la compassion transnationale sont les seuls instruments valables pour sortir de ce genre de catastrophes. »

Qui mieux que directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, pour nous rappeler, dans son discours, le 29 novembre 2021, à l’occasion de la session extraordinaire de l’Assemblée mondiale de la santé, que « la Constitution de l’OMS est elle-même un traité : un pacte contraignant entre les nations ; une vision qui reconnaît que la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain. Mais surtout, elle affirme que la santé de tous les peuples est une condition fondamentale de la paix du monde et de la sécurité, et qu’elle dépend de la coopération la plus étroite des individus et des États.»

Difficile d’échapper, notre responsabilité est exigée, retroussons nos manches.

Charlotte Farhat

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