Croiser ou rencontrer ?
Vous savez que, chaque jour, selon les circonstances de nos activités ou de notre travail, nous croisons des dizaines de personnes, et peut-être même des centaines ou des milliers. Nous les croisons, nous avons peut-être affaire à eux pour un moment, une heure, une demi-journée, et puis ensuite, comme on dit, « ni vu ni connu », aucun impact sur notre vie, aucun souvenir, la routine quotidienne.
Parmi ces personnes pourtant, il s’en trouve certaines que nous « rencontrons », pour la première fois, ou pour la centième fois, cela est au fond secondaire, mais ce sont des personnes qui, pour un moment, sont entrées dans notre « paysage ».
C’est entre ces deux verbes, apparemment bien ordinaires, qu’existe toute la différence entre une vie bien remplie, pleine de sens, ouverte à l’infini, et une vie repliée sur elle-même, complètement anonyme ou anesthésiée. Et les conséquences en sont considérables.
Croiser une personne, c’est être peut-être obligé de lui demander ou de lui rendre un service, puis la mettre de côté comme si elle n’avait jamais existé. C’est une manière de conserver sa liberté, car ainsi on a l’impression de ne devoir rien à personne, et de pouvoir continuer à faire tranquillement ce qu’on veut. C’est l’assurance d’une certaine « indépendance », qui veut dire en même temps une immense solitude, être à la merci des évènements extérieurs et des hasards de chaque jour, sans pouvoir rien y faire : en réalité le risque d’un vide absolu et finalement du désespoir.
Tandis que si l’on veut mordre la vie à pleines dents, il n’y a pas d’autre solution que de « rencontrer » les personnes. Ce n’est pas si facile que cela. Car on ne peut pas « rencontrer » quelqu’un à moitié. « Rencontrer » quelqu’un, dès le premier instant, c’est l’accueillir en lui ouvrant sa porte et son cœur, prêt à tout ce dont il aura peut-être besoin. C’est commencer avec l’autre une aventure dont on ne peut absolument pas prévoir la suite et qui va certainement nous conditionner pour toujours…
Là se trouve le choix de vie qui est demandé à chacun. On s’en tire en général en « rencontrant » seulement quelques amis bien triés et en « croisant » le reste de l’humanité qui ne nous intéresse pas. Mais c’est bien triste d’en rester là, vous ne croyez pas ?
Vous allez sans doute me dire que c’est impossible de « rencontrer » sérieusement tout le monde. Il n’y a pour cela ni le temps ni l’espace. Mais c’est là un faux problème. Il ne s’agit pas d’une question de quantité, mais de qualité et de vérité dans nos relations. Il y a quelques jours, je suis tombé à la poste sur une nouvelle employée qui me semblait bien triste. Je n’ai pas pu m’empêcher de faire tout mon possible pour tirer d’elle au moins un début de sourire, avant de lui dire « merci et au revoir ». Car c’est cela la « rencontre » : être toujours disponible à l’au revoir. Quelques jours après, je me retrouve devant la même employée, que je salue et à qui je demande gentiment : « Comment ça va ? » Et cette fois-ci, le sourire était présent dès le premier regard : cette jeune dame ne m’avait pas oublié. Nous avons même plaisanté ensemble. Désormais je ne suis plus pour elle un numéro anonyme.
Car ce qui est fort et même dangereux (pour notre fausse tranquillité) dans la rencontre, c’est qu’on ne peut plus revenir en arrière. Lorsque j’ai serré la main de quelqu’un (sincèrement) une première fois, lorsque je lui ai fait un beau sourire, lorsque j’ai plaisanté avec lui, lorsque j’ai partagé sa joie ou sa souffrance, lorsque je l’ai salué avec émotion au moment de se quitter, la prochaine rencontre ne pourra pas être moins belle. Sinon nous allons nous décevoir l’un l’autre. Car la rencontre produit une nouvelle attente, et si cette attente est déçue, commence la tristesse ou la jalousie, la rancœur, le sentiment d’avoir été trahi. C’est que la rencontre est une sorte de promesse à l’infini sur laquelle il serait méchant de revenir en arrière.
C’est bien pour cela que j’ai écrit cet article dans ma rubrique « interdépendance ». Car « rencontrer » quelqu’un cela veut dire être en quelque sorte toujours vulnérable, dépendant de ses réactions et de ses humeurs du moment. Mais c’est aussi aller chercher au fond de soi l’amour véritable pour toute l’humanité. Cet amour qui apprend peu à peu à pardonner, qui ne juge pas l’autre si aujourd’hui il est un peu fatigué et nous a répondu de travers. Un amour qui nous libère finalement nous-mêmes en libérant en même temps l’autre de ses conditionnements. La liberté n’est donc pas la joie bien triste de rester tout seul dans son coin, mais la force intérieure de faire de chaque rencontre une étape de plus vers une relation profonde où l’on apprend finalement à entrer tellement dans le cœur de l’autre que cet autre devient une part de moi-même et réciproquement. Alors s’établit la confiance et il n’y a plus jamais de déception ou de jalousie, mais seulement quelques épreuves de croissance à assumer de temps en temps, qui sont comme le sel ou le piment dans un plat déjà plein de saveurs.
Parmi ces personnes pourtant, il s’en trouve certaines que nous « rencontrons », pour la première fois, ou pour la centième fois, cela est au fond secondaire, mais ce sont des personnes qui, pour un moment, sont entrées dans notre « paysage ».
C’est entre ces deux verbes, apparemment bien ordinaires, qu’existe toute la différence entre une vie bien remplie, pleine de sens, ouverte à l’infini, et une vie repliée sur elle-même, complètement anonyme ou anesthésiée. Et les conséquences en sont considérables.
Croiser une personne, c’est être peut-être obligé de lui demander ou de lui rendre un service, puis la mettre de côté comme si elle n’avait jamais existé. C’est une manière de conserver sa liberté, car ainsi on a l’impression de ne devoir rien à personne, et de pouvoir continuer à faire tranquillement ce qu’on veut. C’est l’assurance d’une certaine « indépendance », qui veut dire en même temps une immense solitude, être à la merci des évènements extérieurs et des hasards de chaque jour, sans pouvoir rien y faire : en réalité le risque d’un vide absolu et finalement du désespoir.
Tandis que si l’on veut mordre la vie à pleines dents, il n’y a pas d’autre solution que de « rencontrer » les personnes. Ce n’est pas si facile que cela. Car on ne peut pas « rencontrer » quelqu’un à moitié. « Rencontrer » quelqu’un, dès le premier instant, c’est l’accueillir en lui ouvrant sa porte et son cœur, prêt à tout ce dont il aura peut-être besoin. C’est commencer avec l’autre une aventure dont on ne peut absolument pas prévoir la suite et qui va certainement nous conditionner pour toujours…
Là se trouve le choix de vie qui est demandé à chacun. On s’en tire en général en « rencontrant » seulement quelques amis bien triés et en « croisant » le reste de l’humanité qui ne nous intéresse pas. Mais c’est bien triste d’en rester là, vous ne croyez pas ?
Vous allez sans doute me dire que c’est impossible de « rencontrer » sérieusement tout le monde. Il n’y a pour cela ni le temps ni l’espace. Mais c’est là un faux problème. Il ne s’agit pas d’une question de quantité, mais de qualité et de vérité dans nos relations. Il y a quelques jours, je suis tombé à la poste sur une nouvelle employée qui me semblait bien triste. Je n’ai pas pu m’empêcher de faire tout mon possible pour tirer d’elle au moins un début de sourire, avant de lui dire « merci et au revoir ». Car c’est cela la « rencontre » : être toujours disponible à l’au revoir. Quelques jours après, je me retrouve devant la même employée, que je salue et à qui je demande gentiment : « Comment ça va ? » Et cette fois-ci, le sourire était présent dès le premier regard : cette jeune dame ne m’avait pas oublié. Nous avons même plaisanté ensemble. Désormais je ne suis plus pour elle un numéro anonyme.
Car ce qui est fort et même dangereux (pour notre fausse tranquillité) dans la rencontre, c’est qu’on ne peut plus revenir en arrière. Lorsque j’ai serré la main de quelqu’un (sincèrement) une première fois, lorsque je lui ai fait un beau sourire, lorsque j’ai plaisanté avec lui, lorsque j’ai partagé sa joie ou sa souffrance, lorsque je l’ai salué avec émotion au moment de se quitter, la prochaine rencontre ne pourra pas être moins belle. Sinon nous allons nous décevoir l’un l’autre. Car la rencontre produit une nouvelle attente, et si cette attente est déçue, commence la tristesse ou la jalousie, la rancœur, le sentiment d’avoir été trahi. C’est que la rencontre est une sorte de promesse à l’infini sur laquelle il serait méchant de revenir en arrière.
C’est bien pour cela que j’ai écrit cet article dans ma rubrique « interdépendance ». Car « rencontrer » quelqu’un cela veut dire être en quelque sorte toujours vulnérable, dépendant de ses réactions et de ses humeurs du moment. Mais c’est aussi aller chercher au fond de soi l’amour véritable pour toute l’humanité. Cet amour qui apprend peu à peu à pardonner, qui ne juge pas l’autre si aujourd’hui il est un peu fatigué et nous a répondu de travers. Un amour qui nous libère finalement nous-mêmes en libérant en même temps l’autre de ses conditionnements. La liberté n’est donc pas la joie bien triste de rester tout seul dans son coin, mais la force intérieure de faire de chaque rencontre une étape de plus vers une relation profonde où l’on apprend finalement à entrer tellement dans le cœur de l’autre que cet autre devient une part de moi-même et réciproquement. Alors s’établit la confiance et il n’y a plus jamais de déception ou de jalousie, mais seulement quelques épreuves de croissance à assumer de temps en temps, qui sont comme le sel ou le piment dans un plat déjà plein de saveurs.
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Roland Poupon