L’acculturation
Antonio Coccoluto est un écrivain, professeur et philosophe italien, avec qui j’ai pu avoir un entretien assez intéressant et un échange de qualité à propos de l’acculturation, c.est à dire le contact et la relation entre deux cultures.
A la question « Comment définis-tu la culture et est-ce possible de mettre plusieurs cultures ensemble ? », il affirme : « Dans la culture, il y a toute la tradition d’un peuple… Il y a aussi la dimension du vivre ensemble… Bien entendu, il y a l’aspect intellectuel, religieux et aussi scientifique… Pour que les cultures se rencontrent il faut que ce soit non seulement au niveau individuel, mais de groupe. Il s’agit de se connaître réellement. Ce n’est pas en lisant, en se documentant qu’on peut connaître une culture. Lors de mon séjour en Afrique où je suis resté trois ans, j’ai réalisé que ce n’était pas si simple d’entrer dans la culture africaine. Nous sommes loin structurellement. On dit de la culture africaine qu’elle est primitive, mais ce n’est pas vrai. Ils ont leur propre logique. Ce n’est pas une mentalité rationnelle. Elle est plus intuitive. Si, pour vous, le plus important est le rationnel, vous risquez de la considérer de second plan….
J’ai vécu une expérience assez révélatrice de la complexité d’entrer dans une culture… Depuis trois ans, j’ai eu dans ma classe, en Italie, une jeune fille musulmane qui portait le voile, elle parlait l’italien à la perfection. Mais malgré toute sa bonne volonté on sentait bien qu’elle ne se sentait pas à l’aise. Ça allait jusqu’au jour où il y a eu l’attentat du Bataclan à Paris. Nous avions besoin d’en parler en classe, de dialoguer sur ce terrible drame… Et voilà que cette jeune fille explose ! Elle a dit des choses très dures et a été violente et blessante. Bien entendu, j’ai dû prendre une mesure disciplinaire… Elle s’est bien sûr excusée par la suite et j’ai pu lui dire que quoi que l’on dise, elle le prend comme une attaque et qu’on doit trouver le moyen de parler avec elle, si elle veut… finalement un pas a été fait, un tout petit pas. Ceci pour dire que ce n’est guère simple de dépasser le « gap » culturel qui existe parfois entre les personnes. On ne peut pas superposer des cultures, faire un mixage… Il faut savoir prendre le temps qu’il faut pour comprendre profondément la culture de l’autre ».
Et à la question sur le genre d’activité en vue d’un but commun, plus élevé et plus favorable pour mettre ensemble différentes cultures, Coccoluto dit que « paradoxalement la science est le domaine favorable pour « mettre ensemble », parce que la science est transversale et c’est un domaine qui touche le moins à « ce que je suis ». Du temps du rideau de fer, le milieu scientifique était le seul milieu où on pouvait s’entraider sans problème”.
Mais qu’est ce que serait une culture « nouvelle »? ai-je demande’ curieuse de connaître son point de vue.
« C’est une culture faite de personnes « nouvelles », c’est-à-dire ouvertes, indépendamment de tout. De personnes qui comprennent petit à petit la réalité et son contexte. La réalité est faite de diversité. Avec toute la bonne volonté du monde, on ne comprend pas toujours les différences qu’offre cette diversité. Mais sans diversité tout meurt. Souvent c’est la peur de la diversité qui nous bloque, alors nous ne voyons plus les belles choses qu’elle apporte.

Rima Saikali

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